Un artiste céramiste.
André Metthey se distingue des céramistes de son époque
qui, influencés par les Japonais et les Coréens, consacrent leurs recherches
aux émaux de haute température, tandis que lui rêve d'un renouveau de la décoration
céramique. Il la considère comme décadente depuis l'invention de l'impression
des couleurs sur faïence et porcelaine. Il refuse la production industrielle
qui, pense-t-il, détruit l'artiste.
Travaillant en solitaire, il maîtrise l'ensemble de
la fabrication, de la conception à la réalisation.
Sensible à l'engouement en faveur des arts appliqués,
il suit en cela le mouvement venu d'Angleterre dès les années 1860, celui de
l'Art and Crafts, né sous l'impulsion de personnalités comme John Ruskin et
William Morris. La philosophie générale du mouvement visait tout d'abord à
abolir la hiérarchie traditionnelle entre arts majeurs et arts mineurs ou
appliqués. Présentées en 1901 au Salon des indépendants et au Salon
d'automne, les premières œuvres d'André Metthey sont des grès aux effets de
relief qu'il avait expérimentés dans ses premiers travaux. Des vases à décor,
des rondes-bosses qu'il va rapidement abandonner pour des grès flammés aux
formes simples et pratiques, sur lesquels la couleur s'affirme énergiquement.
Il insiste sur l'utilisation des matériaux régionaux
indispensables pour garder à la céramique son caractère savoureux et ainsi la
préserver de l'uniformisation des fabrications industrielles.
Dans cette disposition d'esprit, il abandonne le grès
pour la faïence stannifère, dédaignant la classification de Brogniart qui,
dans son Traité des arts céramiques, relègue la faïence au rang d'objets
banal et commun.
Il opte donc pour une faïence très solide issue de
la terre verte de Fresnes, de la marne de Meudon et du sable de
Fontenay-aux-roses.
De ce mélange naît, à la cuisson, une pâte rouge qui, recouverte par un émail
stannifère, ouvre à une palette lumineuse que sauront utiliser les artistes
fauves.
La céramique fauve dans l'atelier d'Asnières.
En 1903, André Metthey s'installe dans une petite
maison d'Asnières. Ce toit hospitalier abrite un atelier et un four d'où
sortent les vases pansus au col allongé, les plats et les assiettes sur
lesquels des artistes comme Matisse, Puy, Vlaminck ou encore Derain mettent
leurs fantaisies, leurs couleurs brutales, leurs arabesques curieuses. Il faut
être un homme audacieux pour s'associer à ceux qui faisaient alors l'objet de
dénigrement. Il faut un artiste faisant fi des convenances pour ouvrir son
savoir-faire, jusqu'alors considéré comme archaïque, aux artistes
contemporains. Associant son talent à celui des peintres de son temps, le
potier leur demande le thème de leur décor. Alors, à travers la terre
splendidement vernissée, un nu de Derain, un bouquet de fleurs de Matisse, une
danse de Puy s'incorporent parfaitement à la pâte.
C'est une heureuse inspiration pour rénover la faïence
populaire que de s'adresser à tous ces jeunes artistes qui pensent décoratif.
Ces œuvres indépendantes, artistiques et
personnelles sont présentées au Salon d'automne de 1907. Là, plus de cent pièces
de faïence stannifère issues de cette collaboration portent la double
signature du céramiste et des peintres.
Excepté avec Rouault, qui était un de ses amis,
cette collaboration prend fin en 1909, sans doute parce que Metthey lui-même
comprend qu'un peintre n'est pas nécessairement un grand décorateur et que le
talent ne supplée pas à l'absence de technique.
Il choisit alors de travailler seul car il sait qu'il
exécute un travail extrêmement raffiné, dessiné, réfléchi ; mais les
rouges terreux et le bleu opaque, tels qu'ils sortent sur la faïence stannifère
qui altère, nuisent à la qualité de la coloration somptueuse dont il rêve.
Il met donc fin à cette technique et se tourne vers la terre cuite et vernissée,
avec laquelle, faut-il l'avouer, il obtient les meilleurs résultats.
Les dernières années,
1909-1920.
La faïence stannifère limite les ambitions des décorateurs
qui ne disposent que d'une palette restreinte, et sans doute Metthey n'est-il
pas insensible à la coloration éclatante des artistes fauves avec lesquels il
travaille.
André Metthey va utiliser l'argile de Montereau et
la terre verte de Fresnes qui, docilement, s'assouplissent sur le tour et se
tiennent bien au feu. Il obtient, lors de la première cuisson, un biscuit rosé
sur lequel vient s'ajouter le décor. Un tubage cerne les contours d'un léger
relief et souligne le dessin. Chaque pièce subit trois cuissons dont la dernière
apporte un vernis d'or craquelé, riche conclusion aux couvertes et émaux précédents.
Il dispose alors d'une palette éclatante et variée d'où le rouge reste
longtemps exclu. Dorénavant, il peint ses décors lui-même. D'abord simples et
géométriques, sans doute sous l'influence des céramiques colorées d'Iznik,
qu'il a certainement vues en 1903 lors de l'exposition d'art musulman du musée
des Arts décoratifs. Puis son dessin s'assouplit peu à peu et toute une faune
et flore apparaît. Son goût pour les formes dynamiques se précise : les
figures aux courbes délicates tournent, dansent et s'enlacent. Des scènes
chargées de personnages et d'animaux saturent la panse des vases ou le font des
plats.
De cette dernière période datent aussi de nombreux
dessins qui semble réservés aux sujets faisant appel à des compositions
complexes. Ces dessins préparatoires sont de très fidèles préfigurations de
ce que seront les œuvres une fois décorées.
Il n'a de cesse d'innover, d'inventer, d'expérimenter
et acquiert ainsi une solide réputation. En 1909, le musée Galliera présente
une rétrospective de son œuvre. La galerie Hébrard le prend sous contrat et
vend en permanence ses réalisations. Des collectionneurs, enfin, suivent avec
intérêt ses recherches ; parmi eux, figurent le ministre Marcel Sembat, les écrivains
Georges Lecomte et Émile Verhaeren, Émile Chouanard, Ambroise Vollard, Henri
Lapauze et Henri Clouzot, qui rédigera en 1922 l'unique biographie du céramiste,
restée aujourd'hui encore le livre de référence.
André Metthey a su retrouver, restaurer et renouveler
la tradition perdue des faïences locales. Par ses luttes, ses insuccès, ses
misères, son triomphe, enfin, Metthey demeure un des maîtres de la céramique
du premier quart du XXe siècle.
Jean-Paul
Monery
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